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Energies renouvelables
06/02/2023

Soutien au projet de méthanisation bloqué en recours !

A quelques semaines de l’adoption de la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables, certains projets sont bloqués en recours. C’est le cas du projet de méthanisation de Bourg-des-Comptes que le Tribunal Administratif de Rennes disqualifie de son caractère agricole. Alors que leur projet doit apporter des améliorations conséquentes à leurs exploitations ainsi que du gaz vert aux habitants de Rennes, les agriculteurs ne comprennent pas une telle décision : appuyés par le ministère de la Transition Ecologique, ils saisissent le conseil d’Etat.

Les porteurs du projet Agri-Bioénergies

A Bourg-des-Comptes (35) 10 agriculteurs exploitants dans un rayon de 10 km autour de l’unité représentent 85% de l’actionnariat de la SAS AGRI-BIOENERGIES. La Société Energ’iV, représentante des Collectivités d’ille et Vilaine, et Energie Partagée fonds citoyen représentent quant à eux les 15% restant.

L’objectif de la méthanisation du projet de Bourg-des-Comptes

L’objectif premier est de traiter les effluents d’élevage des exploitants agricoles portant le projet. Cette unité produira un gaz identique au gaz de ville. D’origine biologique, ce gaz renouvelable et local sera directement injecté dans le réseau et alimentera l’équivalent de 1 000 foyers pendant plus de quinze ans.

Les opposants au projet et l’impact sur le calendrier

Démarré en 2018, le projet devait initialement être mis en service en décembre 2022. L’opposition de certains riverains a retardé le projet d’un an et a conduit les porteurs de projet à redéposer deux nouveaux dossiers en préfecture. Fin 2021 la SAS a obtenu son permis de construire ainsi que l’arrêté préfectoral d’enregistrement ICPE lui permettant d’exploiter. Les porteurs ont travaillé le projet pour répondre aux craintes des riverains : bâtiments dépressurisés et traitement de l’air pour limiter les émanations ; une étude de trafic a mené à un plan de circulation validé par les gestionnaires des routes ; les risques ont été étudiés et partagés avec les autorités. De plus les récentes transactions immobilières n’ont pas montré de dévaluation des biens alors même que les notaires sont dans l’obligation de mentionner l’existence du projet.

Malgré les efforts d’information et de concertation réalisés, les autorisations ont été attaquées en justice par 11 requérants dans 6 foyers de Bourg des comptes.

Au vu de l’importance du projet, et le recours en annulation n’étant pas suspensif, les travaux ont démarré en juillet 2022 dans l’objectif de réaliser le terrassement avant l’hiver. La mise en service est urgente pour deux raisons : maintenir un équilibre économique déjà fragilisé par le retard pris et injecter du gaz local rapidement pour limiter notre dépendance aux importations.

Le référé en suspension

Suite au démarrage des travaux, une requête en suspension a été déposée. Le 6 septembre, le juge des référés du Tribunal Administratif de Rennes a ordonné la suspension du permis de construire retenant l’intérêt à agir de deux requérants et disqualifiant le caractère agricole de l’unité.

Le juge a estimé que « l’unité de méthanisation projeté [n’est pas] d’un point de vue fonctionnel, directement nécessaire aux besoins de l’exercice d’une activité agricole, ni [qu’elle] puisse être regardée comme relevant de la diversification de l’activité agricole, n’étant pas précisément rattachée au fonctionnement ni à la structure d’une seule exploitation agricole. »

Le projet de Bourg des Comptes est agricole par nature

Le projet respecte les critères de qualification de la méthanisation agricole au sens du code rural et de la pêche maritime en ce que la SAS est détenue à 85% par des exploitants agricoles et que 100% des intrants sont des déchets agricoles.

Mais surtout et quoi qu’il en soit, contrairement à ce qu’a retenu le juge, le projet est nécessaire et aux besoins et au fonctionnement de l’exercice de l’activité agricole, comme le sont tous les projets de méthanisation agricole de configuration similaire développés en France.

Le projet de Bourg-des-Comptes est pleinement inscrit dans la continuité de l’activité des exploitations agricoles associées. Il permet de donner une finalité jusque-là incomplète à leurs déchets agricoles en les valorisant deux fois. Le projet répond également aux enjeux de mise aux normes et de modernisation des outils des agriculteurs. La mutualisation du transport de fumiers par la méthanisation doit également permettre la diminution des charges de carburant et dégagera du temps de main d’œuvre sur les fermes. C’est également un atelier de diversification d’activité permettant de nouveaux revenus stables et limitant leur dépendance aux engrais de synthèse onéreux et très carbonés. En effet, le digestat issu de la transformation de la matière agricole retournera à la terre sous forme d’engrais naturel. Le projet s’intègre donc pleinement au fonctionnement de l’ensemble des exploitations agricoles partenaires du projet.

Une décision en inadéquation avec le projet de loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables

Le 24 janvier 2023, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a été adopté en commission mixte paritaire. Ce texte réaffirme le caractère agricoles des unités de méthanisation dès lors que la société est majoritairement détenue par des agriculteurs (50%+) et traite une majorité de déchets agricole (50%+). Il appuie également sur la nécessité de favoriser la production de gaz renouvelable avec comme ambition la multiplication par 4 à 6 de notre production de gaz renouvelable et local. Aussi dans ce contexte, la décision du tribunal administratif semble inappropriée vis-à-vis de la loi d’une part, et de l’urgence climatique d’autre part.

Une décision lourde de conséquence pour le projet

La suspension du permis de construire conduit le projet dans un calendrier incertain, repoussant sa mise en service à l’horizon inconnu de l’aboutissement du recours sur le fond. De par les pertes d’exploitation et la réduction de la durée de contrat d’achat de gaz qui mettent à mal l’équilibre économique du projet, c’est l’opportunité de produire du gaz vert local qui s’éloigne. Or l’année 2022 nous rappelle que les énergies produites localement protègent le consommateur d’énergie des fluctuations de marché et apportent une réponse concrète aux risques de pénuries.

Une décision lourde de conséquences pour la filière

Même s’il s’agit d’une décision de référé, la disqualification d’un tel projet de son statut agricole crée potentiellement une image préjudiciable à toutes les méthanisations collectives agricoles dont certaines font l’objet d’une contestation. Cette décision ne fait pas jurisprudence mais si elle était maintenue, elle pourrait être utilisée à mauvais escient par des opposants aux projets déjà autorisés

La collectivité a beaucoup à perdre de la mise à mal de cette filière : pour sa souveraineté énergétique, pour le climat, pour l’emploi, pour l’économie, et pour la transition agricole de notre Région.

Les suites de la procédure

  1. Un pourvoi devant le Conseil d’Etat a été déposé par la SAS Agri-Bioénergies afin de faire confirmer ce type de projet comme une activité de méthanisation agricole et s’inscrivant pleinement dans la stratégie et le fonctionnement des exploitations ;
  2. Un pourvoi devant le Conseil d’Etat a également été déposé par le Ministère de la Transition Ecologique et de la Transition des Territoires demandant l’annulation du référé ;
  3. Un rapporteur vient d’être désigné par le Conseil d’Etat, quatre mois après sa saisie.

Pour rappel, le Conseil d’Etat est maitre de son calendrier, rendant difficile pour les porteurs de projet de planifier une sortie de crise. Ils en appellent à la réactivité de la juridiction.

Références :

  • Permis de Construire n° PC 035 033 21 W0026
  • Requête au fond n°2202894
  • Requête en suspension n° 2204126